La Précipitante

Texte radiophonique sélectionné lors du salon du livre du Luxembourg. Texte et voix par Virginie Paoli

Pas une minute à perdre, seulement la mienne. J’ai perdu l’odeur de la maison. Elle, seule se souvient, ses pas frottent, quand elle caresse la délicate caillasse. Ses pas frottent, d’un pas pressé, toujours pressé de perdre son temps, ou ne pas avoir assez de temps, pour comprendre l’indescriptible paysage qui nous envahit. Je renifle, odeur qui me soutient, la seule qui me prend tout, pour revenir sur mes pas, des traces de tout. Je vomis plus vite que je digère, des pas pressés, des pas de rien, il m’a dit d’accélérer le pas, le pas de l’histoire, le pas de côté, le pas du pas de Calais, quoi. Jamais assez de temps pour comprendre ce que je fais en m’endormant, jamais assez de temps pour comprendre ce qui m’anime en m’endormant. Jamais assez de temps pour tout vivre au même moment. Plus vite, j’accélère, j’accélère, plus vite, mon pas butte contre un mail, mon pied cloche sur mon dernier moteur, ma tête hoche sur Facebook, mon regard file sur Twitter, mon coeur cogne sur l’horizon…je lui dis, ne t’arrête pas, surtout ne t’arrête pas, cogne, musique entremêlée, pointé double, elle triple la cadence…suspens ton vol, idiot. Quelque chose me dit qu’il ne faut pas s’arrêter, s’arrêter, taper, foncer, agilité, rapidité, à plein régime, TGV, vélocité, vivacité… A vive allure, je me suis précipitée vers toi, tout droit, c’est ça que tu dis. Un axe, un grand axe, celui que tu a pris, pour ne pas ressortir, ailleurs, il te montre du doigt, le seul endroit pour ne pas perdre de temps. J’ai choisi mon stylo, mes doigts tapent, pas aussi vite que je voudrais, le temps file entre les doigts, mais tapent, plus vite ce que j’écris. Se tapent mes doigts de rire. Ce que je fais pour ne pas m’arrêter, défile, seulement remplir encore du temps, il est minuit, l’heure de tous les crimes, je vais sonner chez ma voisine, elle m’offre, un coup à boire, une Suze, pour trinquer: «A nous». Elle baille pour la bonne année, m’embrasse sur la bouche en accéléré, je l’a remercie de son hospitalité, tandis que je joue à cloche pied pour ne pas perdre mon temps. De temps à autre, de temps en temps, occasionnellement, parfois, par moment, quelquefois, nous nous retrouvons lui et moi, moi et lui. Il vient chez moi, je vais chez lui toujours en courant. Je me précipite dans ses bras, je lui fais l’amour à grand vitesse, il se laisse faire comme un chien. Je le quitte en pleine nuit, il n’avait rien à dire, seulement le droit de se taire. Elle avait tout compris, vite. ça Urge, comme au bon vieux temps… signée, la salope.

Dépôt SACD –

<Des Mots sur 1 Plateau

Comedienne, Auteur

error: Content is protected !!